Est-ce la solution au problème de surpêche à Madagascar?

Jeudi, septembre 29, 2016
Pêcheurs traditionnels
Copyright: Garth Cripps/Blue Ventures, 2015

Les aires marines gérées localement deviennent un moyen populaire de promouvoir une pêche responsable et durable

Notre destination était lointaine. Il nous a fallu quatre heures pour parcourir, sur une route accidentée et cahoteuse, les 20km qui séparent Maroantsetra de Rantohely, un petit village de pêcheurs sur la Baie d’Antongil, dans le nord-est de Madagascar. A cause peut-être de son isolement géographique, les gens d’ici ont l’habitude de se débrouiller tout seul. Et c’est aussi peut-être la raison pour laquelle l’approche LMMA (gestion locale des aires marines) des ressources marines y a pris rapidement pied. Le but de notre voyage était, en effet, d’évaluer le fonctionnement de l’approche LMMA.

A l’entrée du village, nous étions accueillis par un groupe d’enfants bruyants et par le président de l’association des pêcheurs, Monsieur Augustin Randriamiharisoa, flanqués pour l’occasion du chef de la communauté et de quelques pêcheurs tout juste rentrés au village après une escapade en mer dès l’aube.

Deux des associations de pêcheurs gèrent depuis 2012 les LMMA de Rantohely que la population locale appelle « Tahirin-daoko » ou réserves de poissons en Malagasy. Les LMMA sont des zones marines gérées par les communautés elles-mêmes pour protéger l’activité de pêche, préserver la biodiversité marine, faire entendre leurs voix et veiller à ce que la mer dont dépendent leurs moyens d’existence reste productive. L’idée derrière les LMMA est très simple : confier la gestion des ressources marines à la population qui en est la plus proche et dont dépendent les moyens d’existence. Elle devient donc un gestionnaire durable de certaines aires marines particulières.

Les pêcheurs ont fait savoir que l’approche LMMA était utile et avantageuse pour la communauté qui était très motivée à en créer d’autres.

« Nous avons hâte de développer notre propre LMMA dans notre communauté parce qu’en tant que pêcheurs, nous savons que la LMMA nous permettra d’améliorer nos moyens d’existence. Nous espérons pouvoir collaborer étroitement avec toute organisation qui pourrait nous aider à développer davantage notre LMMA et améliorer ainsi nos conditions de vie, » a déclaré M. Augustin.

 

Eaux Troubles

Les LMMA sont confrontés à des défis. Les grandes sociétés de pêche commerciale qui exploitent des bateaux dans la zone ne respectent pas toujours les règles établies de ne pas s’adonner à la pêche dans un rayon de 3,8km à partir des rivages, une zone de pêche où abondent les poissons et où les crevettes pondent et se reproduisent près des embouchures du fleuve, des récifs coralliens, des roches et des mangroves.  C’est un territoire censé être réservé aux pêcheurs traditionnels.

Le président Augustin nous a expliqué qu’il était difficile de faire appliquer les règles établies par les LMMA à cause de la corruption et du manque de connaissance des lois par les responsables mêmes chargés de les appliquer. Par ailleurs, une demande croissante de poissons et de crevettes, les dégâts occasionnés par les cyclones et la sédimentation des fleuves, ainsi que les infractions aux règles perpétrées par certains membres de la communauté diminuent le stock. Il est nécessaire de faire une délimitation claire des zones de pêche pour que les saisons soient respectées, ajoute-t-il.

La coopération avec les autorités chargées de l’application de la loi doit aussi être renforcée pour faire respecter les règles. Certes, l’accroissement de la population locale et les effets du changement climatique constituent des défis, mais une protection de ces habitats marins et de ces sites de reproduction essentiels contribuerait véritablement à préserver la santé de la population de poissons et préviendrait la surpêche.

 

Créer une nouvelle approche

La première LMMA de Madagascar a été créée en 2005, dans le sud-ouest. En réponse à une capture en diminution constante, vingt-cinq villages se sont unis pour gérer ensemble leurs ressources marines. Le succès du projet a suscité l’intérêt dans d’autres localités. En 2012, une réunion des membres des collectivités représentant 18 LMMA a eu lieu où ils ont reconnu le besoin d’identifier des défis communs à tous et d’échanger des expériences et des compétences. C’est ainsi qu’un réseau national de LMMA dénommé MIHARI (Mitantana HArena an-dRanomasina avy eny Ifotony ou Gestion Locale des Aires Marines) a été mis sur pied. Aujourd’hui, plus de 120 associations communautaires participent dans plus de 65 LMMA.

Vatosoa Rakotondrazafy, une ancienne chercheuse de l’université de British Columbia, est la Coordonnatrice du réseau MIHARI. Selon elle, bien que certaines LMMA aient été créées par des ONG, la plupart l’ont été sur initiative des communautés et que « l’objectif final est d’avoir des LMMA qui ne soient pas trop dépendantes des ONG. » Pour ce faire, il va falloir renforcer la capacité des équipes dirigeantes des LMMA pour qu’elles deviennent plus autonomes.

Rakotondrazafy déclare qu’avec le temps, il est prouvé que l’approche LMMA marche. « Bien que les avantages ne soient pas encore, pour le moment, quantifiables, les LMMA existantes contribuent à la conservation des ressources côtières et marines de Madagascar, améliorent les moyens d’existence des communautés et les engagent directement dans la gestion des ressources. »

L’USAID est désireuse d’apporter son aide à l’amélioration des moyens d’existence des pêcheurs et, par la même occasion, de participer à la conservation de la biodiversité marine à travers le développement de la pêche à Madagascar. Pour la première fois de son histoire, l’USAID projette d’aider à la gestion et à la conservation des ressources marines et côtières dans le cadre de son prochain programme environnemental de cinq ans (conservation et responsabilisation des communautés).