LUTTER CONTRE LES INFRACTIONS ENVIRONNEMENTALES DANS LES FORETS DE MADAGASCAR

Mardi, avril 11, 2017
Pierre Sampilahy, Chef patrouilleur du groupement forestier communautaire de Mitsinjo, dans le nord-est de Madagascar
Natalie Bailey, USAID/Washington

 

En regardant le gros tronc d’arbre qui git à ses pieds, Pierre Sampilahy, Chef patrouilleur du groupement forestier communautaire de Mitsinjo, dans le nord-est de Madagascar, ne peut s’empêcher de remarquer : « Celui-là est destiné au marché. Ce n’est pas du bois qu’on utilise au village. »

Madagascar est un sanctuaire pour plus de 5% des espèces mondiales de plantes et d’animaux et constitue une priorité pour la conservation de la biodiversité dans le monde. Une étude récente a montré qu’une instabilité politique, une mauvaise gestion gouvernementale, le manque de contrôle des exploitations forestières et l’impunité des trafiquants, pourtant notoires, ont conduit pratiquement à un contrôle zéro sur la gestion du bois précieux de Madagascar entre mars 2010 et mars 2015. Durant cette période, pas moins de 350.000 arbres ont été abattus illégalement à l’intérieur des aires protégées et au moins 150.000 tonnes de rondins, illégalement exportés vers des destinations comme la Chine, la Malaisie et l’île Maurice. Ce commerce illicite concerne surtout les essences de bois de rose et d’ébène qui ont une valeur inestimable dans l’industrie du mobilier. Des arbres dont la croissance a pris une centaine d’années pour atteindre une taille optimale de coupe ne repousseront pas de sitôt une fois abattus. La disparition de la couverture forestière signifie que la population n’aura pas accès à l’eau douce, aux ressources fauniques et autres forestières dont elle a besoin pour sa vie et ses moyens d’existence.

Les collectivités se sentent découragées quand des étrangers viennent leur prendre les ressources de leurs forêts et face à l’inertie du gouvernement pour leur venir en aide. Et comme elles sont mal reliées aux grandes villes ou à la capitale Antananarivo, les collectivités ont des difficultés à faire entendre leur voix.

Mais il y un début de changement. Entre 2013 et 2016, l’USAID a appuyé un programme d’une valeur de 2,25 millions USD dont les objectifs étaient d’autonomiser les communautés, d’améliorer la conservation des forêts et des aires protégées et de donner la parole à la population locale.  Ce programme a permis un suivi plus précis, direct et avisé des ressources naturelles ainsi qu’une application de la loi en travaillant avec diverses parties prenantes, dont les villages et les réserves forestières ainsi que les organisations de la société civile et les groupes de plaidoyer. En collaboration avec la société civile et le gouvernement, une coalition d’ONG composée notamment de World Wildlife Fund, de Conservation International, de Wildlife Conservation Society et de TRAFFIC a exécuté le programme.

Aujourd’hui grâce à l’USAID et à ses partenaires, Pierre Sampilahy et son équipe de cinq patrouilleurs communautaires arrivent à mieux surveiller les forêts et à les protéger. Avec une formation en suivi et application de la loi, les patrouilleurs inspectent régulièrement la forêt de la communauté, collectent des données sur l’utilisation autorisée des arbres, sur les exploitations illicites et les changements que subit la forêt. Quand ils se trouvent en face d’une violation, à l’instar de l’arbre récemment abattu que Pierre a trouvé, ils enregistrent les données dont un point sur GPS et envoient un rapport aux autorités. Cette coordination permet aux gestionnaires du parc de réagir de manière ciblée et en temps utile aux changements  et aux nouvelles menaces posées à la zone. Les collectivités locales sont aujourd’hui plus proches des défenseurs de la forêt et de la biodiversité au sein de la société civile régionale et nationale. Ces groupes les soutiennent et se font leur porte-voix au niveau des décideurs régionaux et nationaux.

Selon Valencia Ranarivelo, Coordonnatrice de Projet auprès de World Wildlife Fund, « le programme a fourni un large forum public pour les gens, chose qui n’existait pas avant, et aujourd’hui il y a plus de transparence. Nous œuvrons pour un système plus équitable pour la population locale et les ressources naturelles dont elle dépend. Les communautés des zones forestières où nous travaillons se sentent plus proches les unes des autres, plus efficaces et moins isolées qu’auparavant. »